Des voix le hantaient.

Le Journal de Montréal Trois-Rivières (Par Mélanie Brisson) -  Source : Réseau Canoë – Mai 2008

è www2.canoe.com/cgi-bin/imprimer.cgi?id=367297

 

En mars 2007, un horrible drame secouait Trois-Rivières, alors qu'Alain Piché tuait ses parents. Les victimes ont été décapitées et engouffrées dans un congélateur de la maison familiale. Atteint de graves troubles mentaux, Piché doit-il être tenu criminellement responsable de ses crimes? Le juge Claude C. Gagnon doit en décider vendredi. Le Journal présente le récit de cette histoire qui n'aurait jamais dû se produire.

Alain Piché dort paisiblement dans sa chambre lorsque des policiers à la recherche de ses parents disparus débarquent chez lui. «Ohé! Il y a quelqu'un?»

Après s'être levé et avoir fait le tour de la maison familiale de Cap-de- la-Madeleine avec eux, Alain suit les policiers au sous-sol. Étrangement, Alain refuse d'ouvrir la porte verrouillée d'une petite pièce.

C'est derrière cette porte, finalement, qu'on découvrira dans les minutes suivantes les corps décapités de ses parents, dissimulés dans un congélateur.

On se demandera pourquoi Alain a tué ses parents d'une façon aussi horrible, en mars 2007.

Atteint de sévères troubles mentaux, l'homme de 37 ans croit être le Messie d'une race imaginaire de 5 millions de personnes. Et qu'il a pour mission de sauver tous ces gens persécutés. Mais il est persuadé que des conspirateurs, ses parents en tête, veulent l'en empêcher. Il doit donc les éliminer. Sa mère commence d'ailleurs à le craindre...

Pour comprendre toute la dynamique, il faut remonter un peu avant sa naissance.

Alain Piché est né le 26 septembre 1970 d'une mère coiffeuse et d'un père qui se destinait d'abord à la prêtrise, mais qui est plutôt devenu bibliothécaire.

Catholiques très pratiquants, Lucie Fournier et Gaétan Piché ont élevé leur fils unique dans ce climat religieux.

 

Un mal héréditaire.

Alain Piché n'était pas encore né que son père avait déjà contracté la schizophrénie, une maladie qui se transmettait génétiquement chez les Piché : deux soeurs de Gaétan Piché en étaient aussi atteintes.

Ce facteur héréditaire n'épargnera malheureusement pas le jeune Alain.

Le jeune réservé, taciturne et solitaire était la risée des autres à l'école. Embarrassé par des tics qui lui agitaient sans cesse les yeux, il dissimulait son regard derrière ses cheveux.

Il éprouvait aussi de la honte face à la schizophrénie de son père, qui devenait de plus en plus évidente.

Cette intolérance face à la maladie de son père aurait poussé l'adolescent à insister auprès de sa mère pour qu'elle place son époux en maison d'accueil.

Gaétan Piché a vécu dans ce foyer d'accueil le restant de sa vie, venant toutefois passer ses week-ends à la maison familiale.

«C'était un bon monsieur, tranquille, qui lisait beaucoup, confie la responsable de la résidence. Il était très instruit et intellectuel. Il ne parlait pas beaucoup, il ne dérangeait personne. Le dimanche, il allait à la messe avec sa femme.»

 

Des voisins bizarres.

Chasser son père de la maison n'aura pas empêché Alain de développer la même maladie, à l'adolescence. Mais ce n'est qu'en 2002, à l'âge de 32 ans, après avoir réussi des études en comptabilité et s'être trouvé un emploi dans le domaine qu'il sera officiellement diagnostiqué schizophrène.

Comme il n'était pas traité adéquatement, il continuait à délirer et à entendre des voix. C'est ainsi qu'il est devenu paranoïaque et s'est isolé avec sa mère : les stores baissés, les portes verrouillées en permanence...

«Il fallait toujours cogner deux ou trois fois [et s'identifier]», dit une voisine, Mariette Bergeron, qui a suivi des cours de Bible avec Mme Fournier-Piché il y a plusieurs années.

«Il fallait téléphoner d'avance pour dire qu'on s'en venait, approuve la soeur de Gaétan Piché. Lui, on ne le voyait jamais.»

Quand la parenté venait les visiter, Alain restait cloîtré dans sa chambre.

 

Climat de terreur.

Quelque temps avant le drame, Alain Piché a perdu son emploi et cessé de prendre ses médicaments, mal dosés pour contrôler ses symptômes, selon son avocat, Me Michel Pouliot.

Si bien que sa mère, qui avait atteint le cap des 70 ans, vivait dans la terreur, selon des proches. La dame a pleuré en confiant à une amie qu'elle craignait son fils.

«J'ai senti que ça n'allait pas, qu'elle était nerveuse», se souvient sa soeur, Aline Fournier.

«Elle était fatiguée de la vie qu'elle avait, ajoute la soeur de M. Piché. Trois semaines avant, elle me disait qu'elle avait besoin d'aide, qu'Alain était très malade, qu'il avait empiré.»

Alain, qui avait un tempérament agressif, selon une tante, s'enrageait quand sa mère parlait de le faire traiter.

«Peut-être deux ou trois fois, en deux ans, il y a eu des interventions policières à cet endroit parce que sa mère tentait de faire ajuster sa médication», indique Me Pouliot.

«Sa mère l'a fait entrer à l'hôpital deux ou trois fois. Ils le retournaient au bout de deux jours», dit la soeur de Gaétan Piché.

 

La menace: ses parents.

Dans les faits, ça n'allait pas du tout dans la tête d'Alain. Il croyait appartenir à une autre race, c'est-à-dire une communauté imaginaire de 5 millions d'habitants du sud de la France, selon les psychiatres qui l'ont évalué après le drame. Il se percevait comme un Messie venu au monde pour sauver ces gens persécutés.

Dans son délire, il pensait qu'une conspiration planétaire l'empêchait de secourir sa race fictive et que ses parents étaient de ces conspirateurs. Son esprit malade voyait en eux des ennemis.

Dans les jours précédant le drame, Alain a décidé d'aller vivre au sein de cette communauté fictive. Le 15 mars 2007, il a ainsi acheté un billet d'avion pour le sud de la France, le fief de son «peuple».

Il s'est séparé de son chat, a mis à jour ses comptes et a signé une procuration à sa mère pour qu'elle vende son véhicule, selon un rapport psychiatrique.

Mais le lendemain, à l'aéroport, il s'est souvenu que sa mère ne savait pas faire fonctionner l'antidémarreur de la voiture. C'est pour cette raison qu'il est revenu à la maison, scellant le destin de ses parents.

De retour chez lui, il s'est enfoncé dans une crise de schizophrénie doublée d'une psychose paranoïde: des voix lui commandaient de tuer ses parents, ses ennemis.

 

Disparus l'un après l'autre.

Le 21 mars, de sa résidence d'accueil, son père, Gaétan Piché, est inquiet: sa femme ne répond pas au téléphone. Ils ont pourtant l'habitude de se parler tous les jours.

À 13h30, il demande à la police de Trois-Rivières de se rendre chez sa femme. Selon le coroner, le policier dépêché rue Milot effectue alors une vérification visuelle extérieure de la maison, ne jetant un coup d'oeil à l'intérieur que par les fenêtres.

Aucun indice qu'un meurtre s'y est déroulé quelques heures plus tôt. Il semble n'y avoir personne à l'intérieur.

Aucunement rassuré par ces observations, M. Piché prend les choses en main et décide d'aller vérifier lui même à la maison. Une décision qui lui sera fatale.

M. Piché quitte sa résidence d'accueil sans révéler sa destination.

Personne n'a plus jamais revu M. Piché vivant. Pas plus que son épouse.

 

Meurtres brutaux.

Gaétan Piché a été attaqué dans l'entrée de la maison familiale, alors qu'il portait toujours ses vêtements d'hiver.

M. Piché a bien tenté de se défendre, mais l'assassin l'a agressé très violemment : atteint à la rotule avec une machette, la victime a aussi eu des côtes fracturées. Selon le coroner, M. Piché est mort de fractures du crâne multiples avec enfoncement.

La veille, Alain avait réservé le même sort à sa mère. Il avait toutefois eu le temps de nettoyer la scène avant l'arrivée de son père.

Attaquée dans la salle de bain, Lucie Fournier-Piché avait été atteinte pas moins de 18 fois, à la tête et au cou, par une arme piquante et tranchante. Elle était morte quand son fils l'a décapitée, probablement à l'aide d'une scie.

Après avoir nettoyé la salle de bain, il a enroulé le corps de sa mère dans une couverture, pour ensuite le traîner dans les escaliers. Au sous-sol, il l'a camouflé dans le congélateur. Idem pour son père.

Selon les psychiatres, Alain Piché aurait décapité ses parents et sectionné l'alliance de son père pour couper le lien familial, condition nécessaire pour sauver sa race.

 

Congélateur trop propre.

Ce n'est que le lendemain matin que le propriétaire de la résidence d'accueil rapporte la disparition de M. Piché: c'est la première fois qu'il ne rentre pas dormir.

Deux patrouilleurs se rendent au 495, rue Milot dans l'après-midi. Ils réveillent Alain Piché et font le tour de la maison avec lui. Au sous-sol, un détail les frappe: la porte d'une petite pièce est verrouillée. Et Alain Piché refuse de l'ouvrir. L'intervention d'un serrurier est nécessaire. À l'intérieur, du linge ensanglanté jonche le sol près d'un congélateur étincelant. Un amas de nourriture décongèle au sol.

L'un des policiers ouvre le couvercle du congélateur. Horrifié, il entrevoit les deux corps, empilés l'un sur l'autre. Les têtes gisent à leurs pieds, côte à côte. L'agent referme vite le couvercle et somme son collègue d'arrêter Alain Piché. Il ouvre de nouveau le couvercle. Puis réprime un haut-le-coeur.

Depuis le drame, Alain Piché est traité avec une médication dix fois plus puissante qu'auparavant. Il réalise ce qu'il a fait et il en est peiné, assure Me Michel Pouliot.

ç RetourFils et mère è

lmlmlml

Page de mon site : http://champion20.monsite.orange.fr

Mise à jour le lundi 19 juillet 2010 - * maurice.champion20@wanadoo.fr *