Aujourd’hui, drogué de Dieu.

Source : Feu et Lumière - Mai 2004 - n° 228 

 http://v.i.v.free.fr/ep/roger-paulin.html è

 

Y a-t-il sous ce chapiteau un risque de Feu ? Roger Paulin, prêtre de la congrégation des Trinitaires, la bouille ronde, le cheveu poivre et sel et l'accent acadien, poursuit : Combien d'entre vous veulent-ils devenir un pyromane de l'Esprit ? Il se fait fort d'allumer sous le chapiteau du rassemblement interconfessionnel de Ganières un incendie spirituel. Il doit beaucoup à son passé d'irréductible libertaire d'être devenu un fol en Christ1. Pourtant, au regard de la pratique religieuse, c'était plutôt mal parti chez les Paulin, à l'origine une authentique famille catholique québécoise. 

La drogue s'installe.

Je viens d'une famille qui était pratiquante, témoigne le prédicateur. Mais vers l'âge de douze ans, j'ai dit à mes parents : "Aller à la messe le dimanche, ça m'ennuie, j'arrête ça." Alors, en m'arrêtant, toute la famille a arrêté la pratique. Tout le monde, dont les six enfants Paulin, nés d'une mère infirme au niveau des jambes et de la colonne vertébrale, mais pas du cœur.

Papa Paulin était, selon son fils, une sorte de poète enfant.

Dieu parti de chez les Paulin, c'est la drogue, la "daupe", qui s'installe au foyer : sur les six enfants, trois prennent et vendent la poudre blanche. Au sous-sol de la maison, Roger, sa sœur et son frère plus âgés se piquent au LSD.

Largués, les parents manifestent pourtant une singulière ouverture d'esprit. Le père désapprouve mais dit simplement : Roger, je ne serai jamais d'accord avec ce que tu fais, tu te détruis. Mais on ne peut pas t'attacher, on te laisse la porte ouverte, toujours ! Même la mère continue de taquiner ses jeunes, quand bien même ils débarquent les yeux "emmanchés", remplis de daupe et d'alcool, à cinq heures du mat.

Chez les Paulin, les châtiments corporels n'existent pas. Une nuit, Roger, shooté à mort, se couche dans un champ de neige, fasciné par les étoiles, et commence à s'engourdir de gel. Son père, instinctivement, retrouve sa trace et le prend dans ses bras sans un mot. Il le réchauffe contre lui et s'en retourne simplement le coucher. Inconscients, ces parents québécois ? Peut-être, et pourtant...

«Y' a quelqu'un qui fait le ménage.»

Un soir, dans sa chambre, Roger assiste à la chute soudaine et simultanée de tous ses posters de groupes rock. Ouais ! se dit-il interloqué, il y a quelqu'un qui fait le ménage, mais je ne le vois pas ! Quelque temps après, vers l'âge de dix-neuf ans, il s'administre un mélange détonant de hachisch et de LSD : décollage immédiat, voyage astral et flottement au milieu des étoiles.

Il découvre alors autour de lui des espèces d'êtres blancs, qu'il appellera des démons blancs. Il en voit des myriades, féminins pour mieux le séduire. Soudainement, l'un d'eux s'approche de lui sous les traits d'un de ses lointains amis, complètement détruit par l'usage de la mescaline2. Ah, mais qu'est­ce que tu fais là ? lui dit Roger. Je viens m'unir à toi, entend-il répondre suavement. Est-ce que je peux rentrer en toi ? - Oui, viens-t-en, mon ami, viens-t-en. Tu vas trouver une belle maison.

Brutale saute d'image : le visage du Christ sanglant crève l'écran. Roger aboie : Mais qu'est-ce qu'il fait là, Lui ? Réveil atomique. Atterrissage sans frein. Douche glacée à réveiller un mort. Christ m'a sauvé ! conclut aujourd'hui Roger.

Quelques mois plus tard débarque chez lui une amie, une grosse Bible dans les mains : Lis ça, Roger ! Plus Roger lit les Saintes Écritures, moins il prend de daupe, moins il boit et moins il couche avec les filles.

Peu après, en 1975, il s'inscrit à une retraite charismatique. Dieu le saisit. Le soir à l'Eucharistie, sa première depuis une dizaine d'années, un prêtre se penche à son oreille en lui donnant la communion : Roger, le Seigneur t'appelle à être le proclamateur de sa Bonne Nouvelle !

Le feu se propage !

C'est ainsi qu'il prend l'habitude de quitter le domicile familial, sa Bible sous le bras, la queue de cheval nouée dans le dos, sous le regard goguenard de son père : Mon gars est en train de virer fou ! Mais bientôt, Roger propose d'emmener Papa dans un groupe de prière charismatique. Le prêtre qui prêche lui propose une retraite aux USA. A son issue, l'homme a viré sa cuti, à tel point que pendant des mois, à trois heures de l'après-midi, Paulin Senior s'enferme dans son bureau de travail, complètement transcendé par l'Esprit Saint.

Mais la mère, les frères et les sœurs n'ont pas suivi le film. Consternés, ils considèrent les leurs en pleurant. Chômeurs, père et fils lisent la Bible jour et nuit. Mais vous êtes fous ? s'affligent madame Paulin et les deux plus jeunes. On ne vous reconnaît plus ! Ça n'a pas de sens que vous lisiez la Bible comme ça. Roger les prend à l'écart du père et leur explique : Papa et moi, Jésus est venu nous visiter. On a donné notre vie, on vit vraiment dans l'expérience du salut. Au moins, venez avec nous à quelques rencontres ! Ils opinent timidement. Un geste qui va radicalement transformer leur vision de l'Église. À la suite de Roger, ils irradient le feu de Dieu. 

La Maman, déjà remplie d'humour, se rit de la vie, au cœur même de la souffrance. Marthe, la sœur aînée, a trouvé son salut au cours d'une soirée, le jour de Noël ; elle s'est engagée avec son mari auprès du Seigneur dans un prodigieux charisme d'animation. Un autre frère est visité par Jésus, une nuit, dans son lit. Aujourd'hui, ancien rocker, le frère joue de la guitare pour le Seigneur avec sa femme et ses enfants. Il reste une écharde dans la chair familiale, constate Roger Paulin. En même temps que le Christ est venu me visiter, mon autre sœur est entrée dans une secte. Moi, je sais qu'un jour, Dieu va aller la chercher. 

«On a soupé d'ton Jésus, là !»

Si Dieu a rattrapé au vol Roger et les siens, ses potes de "trip"3 n'ont pas forcément approuvé. Pourtant, Roger les côtoie toujours. Plein de son zèle nouveau, il proclame sa foi à qui veut l'entendre. Mais le poids des mots se heurte un jour au choc de Rambo : On a soupé d'ton Jésus, là. Splash ! Un grand coup de gifle dans le visage. Décroche, ça n'a pas de sens. Dieu, ça n'existe pas. Mais un nouveau converti, ça ne plie pas aussi sec. Roger proclame : J'ai rencontré Jésus, c'est pas toi qui vas me faire changer d'idée ! Splaaaf ! Les gifles et les coups pleuvent. Plus j'en mettais, plus je mangeais des paf, s'amuse aujourd'hui Roger. Désormais, on ne le fera plus taire. Son cheval de bataille est bien évidemment la drogue : Il n'y a aucune drogue douce. Mes plus fortes hallucinations, je les ai vécues en fumant de la marijuana. Aussitôt que tu touches à ça, tu t'ouvres au monde occulte. Alors, quand j'ai été ordonné prêtre, le Seigneur m'a envoyé beaucoup de drogués, et pas des petits : des toxicos à l'héroïne, la coke, le crack, tout... Mais quand ces derniers sortaient des retraites, ils levaient les deux bras dans les airs, bénissant l'Éternel parce qu'ils avaient été complètement libérés.

Aujourd'hui, Roger Paulin évangélise à tour de bras. S'il se sert de son passé de fils prodigue, il témoigne tout aussi bien des moments forts de sa vie présente. Sa mission : faire connaître son Père du Ciel. Un jour qu'il se coupe les cheveux, il disperse au vent les mèches qu'il vient de sacrifier. Un matin, parcourant les allées du parc, il est captivé par le nid sophistiqué qu'un oiseau a construit à même le sol : ses propres cheveux en sont l'unique matériau. Je compris alors, dit Roger, cette phrase du Christ : «Votre Père dans les Cieux a souci du moindre de vos cheveux» (Mt 10. 30).


1 - Fol en Christ : Nom donné à certains évangélisateurs de la Russie.

2 - Mescaline : type de drogue.

3 - Trip : voyage (Ici sous l'emprise de la drogue).

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Mise à jour le dimanche 25 juillet 2010 - * maurice.champion20@wanadoo.fr *