Les crises en thème.

Le parcours de « Simon » bien raconté et explicite sur la « gestion » de sa maladie.

Comprendre sa souffrance, c’est plus qu’avancer, c’est vivre sa vie avec pour contexte les contraintes de sa maladie.

 

Récit d’Emmanuel Rouhard

E-mail : earouard@hotmail.fr

 

La plupart des personnes avaient cette idée fixe en tête, comme si tous autant qu’ils étaient-ils possédaient un diplôme de médecine spécialisation psychiatrie. Cette idée était que NON, Simon n’est pas schizophrène, juste dépressif et surtout, même énormément fainéant. Les crises ils ne les voyaient jamais, l’état second dans lequel il se trouvait à cause des médicaments ça non plus ils ne le voyaient pas, bref une bande de psy à la « mord-moi-le-nœud » pensant tout savoir sur la psychologie sous prétexte d’avoir lu une fois dans leur vie un bouquin de Françoise Dolto ou l’article sur l’interprétation des rêves dans télé7 jours.

 

La réalité dans laquelle Simon et sa famille vivait était tout autre. Cela avait commencé à l’aube de ses dix-huit ans comme un début de dépression, Simon rentrait alors de ses vacances d’été passées dans les Landes, sa rentrée en première littéraire était la conclusion d’une scolarité difficile, après s’être accroché pendant des années à étudier des choses qui ne lui plaisaient pas et à avoir fait pas mal de conneries il allait enfin passer le bac littéraire qui le faisait tant rêver. Pour la première fois il attendait avec impatience de commencer à étudier les plus grands auteurs de la littérature française ainsi que la philosophie.

Les premières semaines se passèrent pour le mieux, il avait diminué sa consommation de joints pour se concentrer sur ses études. Puis presque sans prévenir, l’hiver de sa personnalité frappa à sa porte, il commença à avoir du mal à se lever le matin, il n’était pas fatigué mais un mal inconnu à l’époque le retenait dans ses draps. L’idée de se lever, de faire sa toilette et de traverser tout Paris le révulsait, il savait au fond de lui que c’était mal, mais il n’y avait rien à faire son corps refusait de bouger, il avait presque du mal à respirer et n’avait qu’une envie se rendormir pour fuir cette foutu réalité qu’il aimait encore peu de temps avant, il voulait fuir la vie dans son ensemble.

Ses parents avaient beau tout essayé pour le lever ils n’y parvenaient pas, tout ce qu’ils obtenaient étaient des colères que Simon lui-même ne comprenait pas, ne sachant pas quoi faire son père et sa mère le laissaient dormir, fuir la vie c’est tout ce qu’il voulait.

La journée, il déambulait dans la maison sans aucun but, il aurait voulu fermer les yeux pour rejoindre un monde imaginaire et ne plus voir personne, rejoindre sa bulle comme il la nommera des années plus tard.

Les parents de Simon firent ce qui leur semblait le plus logique, l’emmener voir un psy.

Les premières visites chez le psy se passèrent bien, Simon avait conscience de sa dépression, il savait qu’il avait besoin de parler, pour mieux se ressaisir, la seule règle qu’il imposa à son médecin était qu’il ne devait en aucun cas lui donner des médicaments, ce que le psy lui promit et ce qu’il fit sans jamais insister.

Les premières missions que le médecin donna à Simon était d’aller en cours l’après-midi puisque le matin il n’y parvenait pas, tentative pour lui faire reprendre gout à la vie et à la société dont il se fermait de plus en plus. Cela ne marcha pas, soit il était incapable de sortir de la maison soit il faisait demi-tour une fois arrivé dans le métro, plongé au milieu de la foule qui semblait l‘observer et lui vouloir du mal, cette foule dense qui ne faisait finalement que de passer tel un tourbillon de corps, cela donnait la nausée à Simon.

Le psychiatre ne donnait toujours pas de médicament à Simon, pacte secret qu’ils avaient signé ensemble et que le médecin, qui voulait surement garder la confiance de son patient répétait à la lettre.

Cependant tout, surtout la vie devenait impossible pour Simon, les vraies crises commencèrent, non il ne devenait docteur Jekyll et mister Hyde, la schizophrénie ce n’est pas forcément ça. Oui par contre c’était sournois, Il ne dormait plus se sentait fatigué mais ne trouvait pas le sommeil il avait beau écouter de la musique pour se calmer rien y faisait, il était là, allonger dans son lit se tortillant comme si on le torturait ne contrôlant plus ses pensées, pensées de mort, d’agonie, il était en prise avec des fantômes qui essayaient temps bien que mal de le pervertir comme si mourir était la seule chose qui lui restait à faire. « Meurs, tire-toi une balle tu auras enfin la paix ».

Le torturé ne voulait pas de ça, il voulait vivre, sortir de ce cauchemar qui le suivait partout, il avait beau résister en se parlant à lui-même se retourner dans son lit tel un épileptique rien n’y faisait, peut être que si un homme d’église l’avait vu à ce moment il l’aurait cru possédé par un démon. Il n’en était rien et Simon ne trouvait plus le sommeil.

Finalement à force de lutte sans fin pendant peut être une semaine ou plus Simon demanda à son médecin de lui prescrire des médicaments, il savait au fond de lui que privé de sommeil il ne survivrait pas ou sombrerai dans la folie.

Deux années passèrent, il n’y avait plus de cours, plus d’amis, juste Simon et ses parents qui avaient l’impression d’avoir perdu leur fils. Les médicaments, le médecin essaya tout, le traitement changeait environ toutes les deux semaines, voire plus. Simon dormait, parfois, trop jusqu’à 20 heures, il était tout le temps dans un état second, dans sa bulle, entouré de chaleur, dans une couette en coton où le temps est deux fois plus long, les pas deux fois plus lents, la réflexion deux fois plus lente. En bref plus rien n’avançait, mais Simon s’en fichait, il ne se rendait plus compte de rien.

Désormais les crises étaient différentes, elles étaient violente, si quelque chose le stressait il ne sentait plus son corps, avait des tremblements et perdait tout contrôle que ce soit physique ou mental, la seule résultante de tout ça était qu’il se mettait à crier et à casser tout ce qui lui passait sous la main, le plus souvent les portes, parfois les murs qui ne résistaient pas à ses coups de poing. Pour finir il s’écroulait en larme et tremblait, sa mère se jetait sur lui pour le calmer, sa mère, complice de son effondrement était toujours présente, elle était son seul crochet à la réalité, elle et les médicaments inappropriés.

A la même période le diagnostic tomba : Schizophrénie dysthymique(*), forme peu connue qui fait passer le patient par des phases de dépression aiguë et non par un dédoublement de la personnalité, Simon n’a jamais eu une autre personne en lui, il ne lui est arrivé que rarement d’entendre des voix, mais il l’était Schizophrène, ce mot qui fait peur, et qui impose un rejet de la société du fait de la pensée collective qui associe Schizophrène à danger. Bien que légèrement atteint il n’en était pas moins en souffrance, la souffrance que personne n’a jamais voulu voir à part ses parents et son ange gardien des années plus tard.

Cela devait rester cacher au principal intéressé jusqu’à ce qu’il pose la question de lui-même, cependant une chose était positive, il pouvait maintenant avoir un traitement adéquat qui lui permettrait de revivre et de pouvoir avancer avec cette canne chimique que sont les médicaments.

Évidemment peu de temps après Simon posa la question fatidique au médecin qui lui expliqua dans le détail quel était ce démon qui possédait son corps et son âme.

Cela déclencha de nouvelles crises cette fois il se renferma sur lui-même ne sortant plus, ne se lavant plus et opta pour un nouveau médicament, il restait toute la journée dans sa chambre, à fumer cigarettes sur cigarettes et à boire de la vodka en prenant des calmants. Dieu que c’était bon, l’alcool apaisait son âme, boisson qui brule l’œsophage et lui permettait de se retrouver réellement seul avec lui-même, seul allongé sur le sol de sa chambre, au chaud avec ses clopes, ses calmants et sa vodka accompagnés par la musique d’Alice in chains. Pendant ces moments il oubliait tout oubliant les jours qui suivraient se soulant jusqu’à s’endormir par terre et devoir ramper sur la moquette pour rejoindre son lit et tomber dans un sommeil profond. Malgré tout le bien que cela lui faisait lorsqu’il se réveillait le lendemain le démon était encore plus puissant, comme pour lui faire payer le fait de l’avoir enfermer au plus profond de son âme, en plus de la gueule de bois il se sentait vider et avait froid, froid à l‘âme, comme si toute humanité l‘avait quitter, il savait que cela ne pourrait pas durer mais pour le moment il n‘avait qu‘une envie, se retrouver dans sa bulle.

Finalement, de ses six années de thérapie et de souffrance Simon trouva la force de s’endurcir, comprit que cela ne pouvait pas continuer et décida de vivre avec la maladie. Il devait mettre à profit tout ce qu’elle était plutôt que de la combattre. La force de caractère, réagir dans l’épreuve, son extrême sensibilité, tout ça il devait en faire son avantage. Oui il était schizophrène mais c’est cela qui a fait de lui ce qu’il est aujourd’hui, il doit apprendre à vivre avec elle, analyser ses crises, mais malgré tout prier de se sortir indemne de chaque crises et ne pas sombrer dans la folie.

Finalement il est ce qu’il est et il doit vivre en conséquence.

Peu de temps après il rencontra son ange gardien, elle crut tout de suite en lui et accepta la chose qui vivait dans sa tête, sachant que l’exorcisme était impossible.

En sa compagnie tout devenait possible, bien sûr les crises étaient toujours là, mais elle apprenait à les gérer avec lui, Simon, au fil des années se rendait compte que la chose évoluait les crises étaient plus longues, plus fortes, parfois même dans son état normal il sentait la maladie vivre en lui.

Mais qu’à cela ne fasse en sa présence il sentait qu’il pouvait déplacer des montagnes, et même si l’échéance final qu’il redoutait, l’internement, arrivait il savait qu’elle serait avec lui, Son ange n’était pas comme les autres filles qui avaient pris peur elle l’aimait pour ce qu’il était et peu importe le prix à payer.

 Elle lui donna un enfant quelques temps après et il trouva une force supplémentaire, dorénavant il devait se battre chaque jour un peu plus fort pour cette petite chose qui possédait elle aussi l’âme malade de Simon et qui elle, contrairement au démon avait le droit de parole dans son univers.

Il quitta sa chambre une fois pour toute et n’y revint plus, cela sonnait la fin d’une crise et le début de la vie, allez savoir.

 

Dix années se sont passées depuis la première crise, Simon est maintenant heureux avec celle qui est devenue sa femme et son fils, certes les crises sont toujours là, certes il ne parle pas à grand monde, certes il sort peu de chez lui, mais il apprend chaque jour à avancer avec son démon, les médicaments sont toujours là et ils le resteront, mais ils ne le font plus rentrer dans cet état d’extrême lassitude.

Sa bulle est toujours là mais maintenant elle est bien réelle.

La mère de Simon a laissé son ange reprendre les choses en main bien qu’elle ne se soit pas vraiment éloignée et qu’elle surveille son fils, car finalement, elle est mère et il n’y a rien de plus logique à cela.

Simon ne travaille pas, il a essayé mais cela lui est impossible, pour travailler il doit arrêter de prendre ses médicaments pour avoir une chance de se lever le matin, et arrêter les médicaments revient à réveiller le démon et lui laisser les pleins pouvoir, cependant Simon sait qu’un jour il pourra reprendre le travail et les études il faut juste continuer à faire taire le démon, même si il ne disparaitra vraiment jamais.

 

Peut-être que des personnes ne croient toujours pas à la maladie de Simon, cependant il s’en tape et sait que si il en est la aujourd’hui ce n’est pas grâce aux conseils des pseudo psychiatres de bac à sable, aux rejets face à sa maladie, mais bien aux gens qui l’ont entouré, soutenu, à ses rêves de vie, aux galères de la vie et aux différents thèmes de crise qu’il a vécu… et quelque part… à ce démon qui vit en lui.

mlmlm

(*)Dysthymique ou schizo-affective:

Avec des troubles majeurs de l'humeur. Les accès aigus ont la particularité d’être accompagnés de symptômes dépressifs, avec risque suicidaire, ou au contraire de symptômes maniaques. Ces formes répondent au moins en partie aux traitements par lithium.

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Mise à jour le mardi 28 décembre 2010 - * maurice.champion20@wanadoo.fr *