Meurtres.
La peur
des schizophrènes.
Par Didier Déniel
Ce mois-ci, un homicide a été commis à Brest sur
fond de schizophrénie. Une semaine plus tard, le décès d'un chauffeur de taxi
en région parisienne a ému la population. Nous avons voulu en savoir plus sur
les raisons qui poussent ces malades mentaux à passer à l'acte.
De nombreux cas de schizophrénie
évoqués dans nos colonnes.
Le 17
avril, à Brest, une mère de famille était tuée de 20 coups de couteau.
Le père,
grièvement blessé, ne devait son salut qu'à l'intervention d'un voisin. À
l'arrivée de la police, leur fils, Mathieu, âgé de 21 ans, était interpellé et
conduit aux urgences psychiatriques de l'hôpital de la Cavale Blanche. Le 25
avril, un chauffeur de taxi qui jouait
avec son fils a été poignardé par un individu à Clichy-la-Garenne.
Les deux
meurtriers présumés avaient été diagnostiqués schizophrènes.
Tout
comme cet homme qui, le 2 avril, à Paris, aurait poussé sur les rails du métro
un voyageur alors que le convoi arrivait en gare. Il est admis que les
schizophrènes sont potentiellement plus dangereux que les personnes ne
souffrant pas de pathologie psychiatrique. «C'est indéniable, explique le
professeur Michel Bénézech, spécialiste en
psychiatrie médicale et conseiller de la gendarmerie nationale dans les
enquêtes criminelles.
10% des
homicides sont commis par des personnes psychotiques, dont une grande majorité
de schizophrènes paranoïaques.
Le
risque de violence dans cette population est bien plus élevé. Violences contre
les autres mais aussi contre soi. Car on estime que 10% de ces personnes ont de
réelles tendances suicidaires».
De
jeunes hommes en majorité.
Selon
les spécialistes, plusieurs facteurs faciliteraient le passage à l'acte.
Généralement
ces meurtriers sont des hommes, âgés de 25 à 35 ans, chez qui la maladie est
installée depuis 10 à 12 ans. «Ils souffrent généralement de délires de
persécution mystiques et sexuels», poursuit Michel Bénézech,
qui a longtemps travaillé au sein de l'Unité des malades difficiles (UMD), à
Cadillac, près de Bordeaux.
La
consommation d'alcool, par son action désinhibante, peut également faciliter le
passage à l'acte. Ce n'était pas le cas de Mathieu, à Brest, qui était sobre et
qui aurait commis l'irréparable à 9h30 le matin. Le cannabis, lui aussi, est
montré du doigt par les professionnels de santé. Cette substance faciliterait
le passage à l'acte mais participerait aussi à l'installation de certains
troubles.
Selon
l'Inserm, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, «le
risque de présenter des symptômes schizophréniques est supérieur lorsque l'on a
consommé du cannabis au moment de l'adolescence. Comparés à des sujets n'ayant
jamais consommé de cannabis plus d'une ou deux fois, les sujets en ayant
consommé au moins trois fois à l'âge de 15 ans ou 18 ans ont un risque quatre
fois supérieur de présenter des symptômes schizophréniques à l'âge de 26 ans».
Des
signes annonciateurs.
À Brest,
certaines personnes proches des enquêtes mettent aussi en avant le phénomène
d'imitation. Mathieu et ses parents auraient évoqué un parricide commis quelques jours
plus tôt par Mikaël Brenterc'h, un
jeune comédien qui, sous l'empire de l'alcool, aurait tué son père quelques
jours auparavant. Mathieu, très perturbé, aurait suivi le chemin meurtrier
ouvert par Mikaël, chez qui aucun trouble psychiatrique n'a été diagnostiqué.
«Cette thèse peut-être retenue, commente le professeur Bénézech.
Ça peut
être un facteur déclenchant. Regardez ce qui se passe avec les pyromanes. Il
suffit qu'un individu mette le feu pour que d'autres en fassent autant. Le même
phénomène est constaté à France Télécom et les suicides en cascade. Certaines
personnes dépressives n'auraient jamais intenté à leurs jours sans ces
précédents». L'arrêt du traitement peut également aboutir à un drame. Mathieu,
lui, avait réduit ses prises de psychotropes quinze jours avant le drame. Selon
les psychiatres, l'arrêt d'un traitement à des conséquences extrêmement
dangereuses. Passé un délai de deux mois, les effets des médicaments
disparaissent complètement et les délires réapparaissent. Le problème, c'est
que de nombreux patients n'ont pas le sentiment d'être malades. Bien souvent,
ces drames pourraient être évités.
Les
schizophrènes faisant part clairement de leur intention de tuer, «généralement
dans les 10heures précédant l'acte», selon l'étude du Dr Millaud.
C'était le cas à Clichy-la-Garenne où l'agresseur répétait depuis plusieurs
jours qu'il voulait «butter quelqu'un». Contrairement à certaines idées reçues,
les schizophrènes meurtriers ne s'attaquent pas à des inconnus mais à des
membres de leur famille très proche. «Généralement la mère, précise MichelBénézech. Puis viennent le père, les frères et soeurs, les oncles et tantes».
Lorsqu'un
fait divers particulièrement sordide et violent se produit, les politiques
demandent que les portes des hôpitaux soient fermées à double tour. Le
développement des Unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), dont la
première vient d'ouvrir à Bron-Le-Vinatier, dans le
Rhône, est une réponse à ces demandes toujours plus sécuritaires. «Mais on
n'avancera pas tant que l'on n'aura pas évalué la dangerosité des individus qui
ont déjà commis des actes de violence, conclut le professeur Bénézech. Ceux qui posent réellement problème, une petite
minorité, doivent être enfermés.
Cette
responsabilité, malheureusement, revient uniquement aux médecins. L'idéal
serait de confier cette mission à des commissions médico-judiciaires composées
aussi de magistrats.
La
justice doit aussi se prononcer».
ç Retour
lmlmlml
Page de mon site : http://champion20.monsite.orange.fr
Mise à
jour le lundi 4 octobre 2010 - * maurice.champion20@wanadoo.fr
*