Une approche du phénomène religieux.

Par Michel Thys – Novembre 2010

 

http://michel.thys.over-blog.org/article-une-approche-inhabituelle-neuroscientifique-du-phenomene-religieux-62040993.html

 

Article complet.

 

Une approche inhabituelle (neuroscientifique) du phénomène religieux.

 

Sans vouloir simplifier ou réduire l’infinie complexité du psychisme humain, et en particulier le phénomène religieux, à des « mécanismes » psycho-neuro-physio-génético-cognitivo-éducatifs (ouf !), n’est-il pas légitime de compléter son approche traditionnelle (philosophique, métaphysique, théologique, psychanalytique, anthropologique, sociologique …) par l’apport des neurosciences ?

Entendons-nous bien : les neurosciences ne prétendent évidemment pas démontrer l’inexistence de « Dieu » (par définition, aucune inexistence n’est démontrable).

Elles sont cependant susceptibles d’influencer la réflexion philosophique et d'inciter certains à conclure à son existence subjective, imaginaire et donc illusoire.   

 

La peur est commune à tous les êtres vivants pourvus d’un système nerveux, mais seul l’animal humain sait qu’il va mourir et aspire à un « au-delà », à «l’immortalité de l’âme ».

C’est sans doute pour compenser la faiblesse corporelle des premiers hominidés que la sélection naturelle a développé la bipédie et le langage, ce qui a permis au néo-cortex pré-frontal de l' l'Homo Sapiens de s'hypertrophier, depuis environ 100.000 ans, et d'imaginer un nouveau mécanisme de défense, au-delà de l’animisme et du chamanisme : le recours à des dieux protecteurs et anthropomorphes (plus tard à un seul) dont ils tentaient d’apaiser la colère, ou de gagner les faveurs, par des sacrifices (hélas encore actuels en islam … !).

De nos jours et sous nos latitudes, même si la religiosité décline du fait qu’aucun dieu ne s’est jamais manifesté concrètement, les croyants monothéistes restent en quête d’apaisement, de sérénité, de certitudes, d’espérance en un au-delà, et donc de repères, de vérités révélées, d’absolu, de sacré, de spiritualité, de  transcendance, d’une relation personnelle avec Dieu au sein d’une communauté, etc. Les religions en ont fait leur fond de commerce.

 

Comment expliquer cette fréquente persistance de la sensibilité religieuse et, à des degrés divers, l’anesthésie de l’esprit critique de certains croyants dès qu’il est question de croyance religieuse ?

A mes yeux, la foi ne résulte pas d’un choix vraiment libre.

Actuellement, en effet, « la liberté constitutionnelle de conscience et de religion» me paraît plus théorique et symbolique qu’effective, parce que l'émergence de la liberté de croire ou de ne pas croire est généralement compromise, à des degrés divers. D’abord par l’imprégnation de l’éducation religieuse familiale précoce, forcément affective puisque fondée sur l’exemple et la confiance envers les parents (influence légitime mais unilatérale et communautariste).

 

Ensuite par l’influence d’un milieu éducatif croyant qui ne développe pas l'esprit critique en matière de religion, occulte toute alternative humaniste non aliénante et incite à la soumission. L’éducation coranique, exemple extrême, en témoigne hélas à 99,99 %, la soumission y étant totale.

 

Après Desmond MORRIS qui l’avait pressenti en 1968, dans « Le singe nu », avec la notion de «dominant/dominé», Richard DAWKINS estime que la soumission est génétique : déjà du temps des premiers hominidés, le petit de l’homme n’aurait jamais pu survivre si l’évolution n’avait pas pourvu son cerveau tout à fait immature de gènes le rendant totalement soumis à ses parents (et donc plus tard à un dieu).

 

Déjà en 1966, le psychologue-chanoine Antoine VERGOTE, alors professeur à l’Université catholique de Louvain, avait constaté (son successeur actuel Vassilis SAROGLOU le confirme) qu’en l’absence d’éducation religieuse, la foi n’apparaît pas spontanément, et aussi que la religiosité à l’âge adulte en dépend (et donc l’aptitude à imaginer un « Père » protecteur, substitutif et anthropomorphique, fût-il «authentique, épuré, Présence Opérante du Tout-Autre » (VERGOTE) …).

 

Les neurosciences tendent, me semble-t-il, à confirmer l'imprégnation neuronale de la sensibilité et du sentiment religieux.

 

Des neurophysiologistes ont constaté que les hippocampes (centres de la mémoire explicite) sont encore immatures à l’âge de 2 ou 3 ans, mais que les amygdales (du cerveau émotionnel), elles, sont déjà capables de stocker des souvenirs inconscients, et donc les comportements religieux, puis les inquiétudes métaphysiques des parents, sans doute reproduits via les neurones-miroirs du cortex pariétal inférieur. Ces traces neuronales sont indélébiles, et renforcées par la plasticité neuronale, du fait de la répétition des expériences religieuses.

 

L’IRM fonctionnelle suggère que le cerveau rationnel, le cortex préfrontal et donc aussi bien l’esprit critique que le libre arbitre ultérieurs s’en trouvent inconsciemment anesthésiés, à des degrés divers, indépendamment de l’intelligence et de l’intellect, du moins en matière de foi.

 

Ce qui expliquerait la fréquente imperméabilité de certains croyants, notamment créationnistes, à toute argumentation rationnelle ou scientifique, et donc la difficulté, voire l’impossibilité de remettre leur foi en question, sans doute pour ne pas se déstabiliser (cf. le pasteur évangélique Philippe HUBINON à la RTBF :

 

« S’il n’y a pas eu « Création », tout le reste s’écroule … ! ».

Donc aussi « Dieu… »

 

Il est logique dès lors que certains athées, comme Richard DAWKINS, ou agnostiques comme Henri LABORIT, au risque de paraître intolérants, perçoivent l’éducation religieuse, bien qu’a priori sincère et de bonne foi, comme une malhonnêteté intellectuelle et morale. Henri LABORIT l’avait bien compris :

 

« Je suis effrayé par les automatismes qu’il est possible de créer à son insu dans le système nerveux d’un enfant. Il lui faudra, dans sa vie d’adulte, une chance exceptionnelle pour s’en détacher, s’il y parvient jamais. (…) Vous n’êtes pas libre du milieu où vous êtes né, ni de tous les automatismes qu’on a introduits dans votre cerveau, et, finalement, c’est une illusion, la liberté ! ». (Mon oncle d’Amérique » d’Alain RESNAIS).

 

Dans cette optique, les conversions religieuses deviennent compréhensibles.

 

Même si l'on ne peut pas actuellement expliquer le processus biochimique précis qui enclenche le “switch », l’interrupteur qui fait basculer de l’incroyance vers la croyance, il se produit un bouleversement des neurotransmetteurs, un peu comme dans le cas du coup de foudre amoureux. Je m’explique comme suit, par exemple, la conversion de Paul CLAUDEL, ancien croyant, en entendant le Magnificat de BACH à N-D de Paris. Tout se passe comme si, malgré sa brillante intelligence, l’environnement sensoriel (les grandes orgues, les chœurs, l'odeur d’encens, le décorum, …- avait provoqué un bouleversement d’hormones et de neurotransmetteurs, au niveau notamment de la sérotonine et de la dopamine, au point de faire disjoncter son cerveau rationnel au profit se son cerveau émotionnel. Ce n’est d’ailleurs pas surprenant lorsqu’on sait que les sensibilités poétique, musicale, religieuse, …, y ont des localisations voisines, ce qui facilite les interactions.

 

Les exemples sont nombreux, dans d’autres circonstances : par exemple la conversion du docteur Alexis CARREL, qui avait perdu la foi pendant ses études, et qui l’a retrouvée lors d’un voyage à Lourdes, ou celle d’Eric-Emmanuel SCHMITT perdu sous le firmament glacial du Sahara, à 29 ans (même lorsqu'on est issu comme lui d'une famille incroyante, l’influence de deux mille ans de christianisme se réveille chez certains incroyants en danger de mort).

 

Du fait de la sécularisation et de la laïcisation croissantes, de plus en plus d’européens (sauf les musulmans) désertent les lieux de culte et privilégient l’autonomie de la conscience et la responsabilité individuelle, plutôt que la traditionnelle soumission religieuse (sauf en Irlande, en Pologne, à Chypre, à Malte, Italie,…).

 

Les religions réagissent donc par des tentatives de réinvestissement des consciences, de re-confessionnalisation de l’espace public (surtout depuis Jean-Paul II, le chanoine-président Sarkozy 1er, …) et de re-cléricalisation de la politique européenne (cf. Par exemple l’ « Opus Dei »), tandis que les sectes, expertes en manipulation mentale et en abus de faiblesse, spéculent sur la quête de sens qui subsiste (cf. les évangélistes américains, les créationnistes, etc.).

 

Il n’y a pas un « retour du religieux », mais de nouvelles «stratégies» religieuses qui exploitent à la fois la vulnérabilité du psychisme humain, notre conception de la « tolérance » et le laxisme de certains politiciens électoralistes qui concèdent des revendications inspirées par la charia.

 

Pour que les libertés de conscience et de religion, et en particulier celle de croire ou de ne pas croire, deviennent plus effectives que symboliques, il faudrait donc, selon moi, s’orienter vers un système éducatif pluraliste proposant à tous une information minimale, progressive, objective et non prosélyte à la fois sur les différentes options religieuses ET sur les options laïques actuellement occultées, l’humanisme laïque, la spiritualité laïque, etc.

 

La religion est une affaire privée qui n’a pas sa place à l’école.

 

Elle ne devrait y être mentionnée que lors d’un cours d’histoire ou de philosophie, parce qu’un un minimum de culture religieuse fait partie de la culture générale, notamment artistique.

Dans cette optique, l’enseignement confessionnel apparaît comme élitiste, inégalitaire, prosélyte, exclusif, anachronique et donc obsolète et inadapté à notre époque de pluralisme des cultures et des convictions.

Un enseignement pluraliste, au contraire, compenserait l’influence familiale, celle d’un milieu croyant exclusif et les inégalités socioculturelles.

Chacun pourrait choisir, en connaissance de cause, aussi librement et tardivement que possible, ses convictions philosophiques (OU religieuses, puisque le droit de croire restera toujours légitime et respectable, a fortiori si cette option a été choisie plutôt qu’imposée).

Un tel système éducatif permettrait enfin de rechercher des valeurs communes, « universalisables », parce que bénéfiques à tous et partout, telles que le respect de la dignité de l’homme, de le femme et de l’enfant, la liberté (effective et non plus seulement symbolique) de pensée, de conscience et de religion, etc.

L’avènement d’une citoyenneté responsable me paraît être à ce prix.

Mais cela impliquerait de repenser d’abord les notions de «neutralité» de l’Etat et de «libre choix» des parents, lequel n’est pas prioritaire par rapport à «l’intérêt supérieur de l’enfant».

Dans une ou deux générations, peut-être … ?   

 

Michel THYS à Waterloo : michel.thys357@gmail.com - http://michel.thys.over-blog.org

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Mise à jour le lundi 17 octobre 2011 - * maurice.champion20@wanadoo.fr *