Délires mystiques – Témoignages.
Cas extraits du site è Situation nosographique et position du sujet par Eduardo Mahieu, Hakima Azibi - 1995 .
GABRIEL.
Il s'agit d'un jeune de 24 ans, né au
Mali.
Son père, musulman de confession est
bigame. Sa mère et sa belle mère travaillent comme femmes de ménage. Gabriel (son
véritable prénom est celui d'un archange) est l'aîné d'une fratrie de 11
enfants.
1ère hospitalisation dans le service en
1992, pour troubles du comportement sous-tendus par une activité délirante
polymorphe à thèmes mystiques, de grandeur et de persécution.
Il a été trouvé errant dans la rue,
vêtue juste d'une couverture (par l'intermédiaire de "djinns" Dieu
lui aurait de demandé d'ôter ses vêtements): il parle d'Allah, récite des
prières par moments à peine audibles, mêlant à son discours des versets du
Coran. On relève des idées de possession par le "djinns", la
conviction d'une mission salvatrice à accomplir à l'égard de sa famille et de
ses concitoyens.
Sous traitement neuroleptique (Haldol) les troubles régressent en quinze jours et le
patient quitte l'hôpital.
2ème hospitalisation en 1993, après avoir tenté de
briser un sarcophage au Musée du Louvre. Dit que c'est Dieu qui lui aurait
ordonné cet acte. Son déplacement au Musée du Louvre est la volonté d'appliquer
et d'obéir à un ordre divin énoncé dans le Coran: "Allez vers Pharaon, il
s'est rebellé, dites-lui des douces paroles". Manifeste aussi des idées de
possession diabolique et on note des attitudes de prière permanentes pour
lutter contre "l'esprit du mal".
3ème hospitalisation en 1995, pour idées
délirantes d'allure paranoïde avec thématique mystique, mais aussi
mégalomaniaque et de possession. Les mécanismes sont intuitifs, interprétatifs
et hallucinatoires. Le débit verbal est accéléré, le discours peu cohérent,
décousu, et flou. On relève un sentiment de toute puissance et d'identification
divine. Il existe un automatisme mental et des hallucinations auditivo-verbales ("des voix maléfiques"), des
idées de persécution et de préjudice tantôt ciblées, tantôt floues et vagues,
avec menace de châtiment imminent. Le patient a des doutes quant à son origine
africaine. Il adhère complètement au délire. Le patient rapporte des
manifestations physiques d'angoisse avec douleur thoracique et boule oesophagiène. Nous avons retenu pour ce patient le
diagnostic de trouble schizoaffectif.
JUDITH.
Il s'agit d'une patiente âgée de 28 ans
3ème d'une fratrie de trois enfants. Le
père de confession catholique, hospitalisé en psychiatrie en 1974 suite à une
tentative suicide (accident de voiture provoqué) dans un contexte de délire de
persécution (on voulait le licencier car sa femme est juive) est décédé à l'âge
de 53 ans par immolation. La mère de confession juive a été hospitalisée à
plusieurs reprises en psychiatrie dans un contexte de troubles dépressifs sur
personnalité hystérique. Le frère aîné est marié avec une catholique, et la
soeur avec un musulman.
1ère hospitalisation dans le service en
1994, à la suite d'un rapatriement sanitaire. Elle est partie en Israël pour un
"travail humanitaire". Elle est accompagnée par une amie très proche
("mon double, ma moitié"). Au bout d'une dizaine de jours de séjour
les troubles commencent par des sentiments de déréalisation et d'étrangeté lors
d'un passage dans une auberge. Elle a l'impression que son amie se
"prostitue" en négociant le prix des chambres. Commence un vécu
délirant mystique: elle se croit investie d'une mission ... "C'est comme
Moïse ... les coïncidences sont frappantes ... tout se déroulait comme dans un
film ...". A partir de ce moment elle erre dans la ville avec un sentiment
de toute puissance: "je pouvais tuer les gens juste avec mes
mouvements", manifeste hallucinations cénesthésiques "... c'était comme
des baisers sur le corps". Lors de son admission nous ne constatons pas de
troubles de l'humeur majeur, mise à part une discrète logorrhée. Ebauche une
mise à distance de son vécu délirant, parfois perplexe face à ce qui lui est
arrivé. Persistance de l'idée prévalente d'être enceinte. Absence d'automatisme
mental, hallucinations auditivo-verbales ou de signes
de discordance. Sous traitement neuroleptique (Largactil),
son état s'améliore rapidement. Met à distance son vécu délirant, qu'elle
décrit "comme un film ... une pièce de théâtre". Parle de son vécu
comme d'une "crise existentielle" qui lui a permis de passer d'une
"étape de jeune fille à une étape de femme adulte".
Nous avons retenu pour cette patiente le
diagnostic d'état crépusculaire hystérique.
MANUEL.
D'origine portugaise, Manuel est né en
France.
Il est âgé de 19 ans. Il est le second
d'une fratrie de 2 enfants. Son frère est âgé de 24 ans et travaille comme
chauffeur de taxi ainsi que son père. Sa mère est femme au foyer. Il n'existe
pas d'antécédents familiaux psychiatriques.
1ère hospitalisation en psychiatrie en 1995.
H.O. en vertu de l'article 122-1 du Code Pénal pour tentative d'homicide
volontaire sur la personne d'un camarade de classe. Il affirme que la soeur de
ce dernier est "sa femme", et qu'il s'interposait entre eux.
A l'entrée le contact est difficile. Il
fuit le regard et a tendance à rire de façon immotivée. Tient de propos
incohérents: il nous dit qu'il n'a que "19 ans", que "c'est une
longue histoire", "qu'à l'époque où l'on vit, se trimbaler avec une
arme n'est pas un pêché", et "qu'une histoire ça ne se raconte
pas". Au sujet de son passage à l'acte, il dit qu'il s'agit d'une histoire
de famille et finira par nous dire que "c'est un plaisir de tuer une
personne". La famille le trouve changé depuis deux ans, avec repli sur lui
même, isolement, attitudes bizarres, fugues et errances. A quitté l'école. Il se dit
"anarchiste ou royaliste" et "contre la république" et
conclu d'une manière incohérente "si j'avais tué, je ne serais pas
ici", ajoutant qu'il ne se sentait pas visé par un jugement en dehors de
Dieu.
Progressivement nous assistons à une émergence d'éléments délirants polymorphes
mal systématisés à thème essentiellement mystique avec une note mégalomaniaque. Les thèmes mystiques
prennent la tournure d'une explication de sa filiation. Il adhère pleinement à
son délire. Il existe aussi des thèmes hypochondriaques et sexuels. Nous
notons des éléments francs de discordance idéo-affective.
Dans le service il se replie sur lui-même et s'isole tant des soignants que des
autres patients. Ne participe pas aux activités institutionnelles et s'enferme
dans le noir pendant la journée dans un apragmatisme quasi totale. La réponse
au traitement neuroleptique (Moditen) est moyenne.
Manuel fait part d'idées de persécution vis-à-vis de certains patients et
demande à qu'on ferme à clef sa chambre pendant la nuit. Après six mois
d'hospitalisation il met fin à son hospitalisation par une fugue.
Nous avons retenu le diagnostic de schizophrénie paranoïde évoluant vers un mode
déficitaire.
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Mise à jour le vendredi
23 juillet 2010 - * maurice.champion20@wanadoo.fr
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