PRÉSIDENCE
DE LA
RÉPUBLIQUE
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EMBARGO AU PRONONCÉ
DISCOURS DE M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
L’HOSPITALISATION EN MILIEU PSYCHIATRIQUE
Antony – Mardi 2 décembre 2008
Réactions en chaîne :
Association Schizo ?...oui ! – Lettre au Président de la République >>
La créativité artistique... par le Centre médico-psychologique de St Denis de la Réunion >>
Difficulté des tâches en milieu
psychiatrique... par Claude Pelletier >>
La composante sécuritaire... par l’association Croix Marine
>>
La régression
sécuritaire... par Cécile Prieur (Le Monde) >>
Où ne doit pas aller l’affectation des fonds...par
Caroline >>
Bellaciao - Lettre ouverte d’un
psychiatre >>
Et la prévention... par moi-même >>
Madame la
Ministre,
Monsieur le
Ministre, Monsieur le Président du conseil général,
Mesdames,
Messieurs,
C’est la première fois, je crois, qu’un Président de la
République rend visite au personnel d’un hôpital psychiatrique. Je n’en tire
aucune fierté personnelle. Je ne fais que mon devoir.
Pourquoi ? Parce que vous accomplissez chaque jour une
œuvre remarquable au service de la société. Parce que vous travaillez dans un
environnement rude pour prendre en charge des patients qui peuvent ne pas
accepter les soins. Parce que votre rôle est de guérir les maux de l’âme, les
souffrances mentales qui sont sans doute les plus mystérieuses et les plus
difficiles à traiter. Parce que vos moyens d’agir, ce ne sont pas les IRM, les
blocs opératoires, les prothèses : ce sont vos paroles d’abord, votre
savoir faire dans la relation avec le patient, les médicaments aussi.
Votre exercice professionnel et votre pratique sont riches
et complexes. Votre métier comporte des risques. Votre travail vous
apporte, je le sais, de grandes satisfactions, quand un malade va mieux. Mais
il y aussi l’agressivité, voire la violence, de certains patients. Il y a aussi
les réadmissions fréquentes de ces patients dont vous vous demandez si la place
est bien ici, à l’hôpital. Je comprends fort bien que, certains jours, votre
métier, ou plutôt les difficultés de votre métier, vous pèsent. Ces jours-là,
quand vous ressentez ce poids, vous savez toujours puiser dans les ressources
que vous donnent l’amour de votre travail, la solidarité entre collègues et la
satisfaction de voir vos efforts récompensés par le mieux-être des malades.
Médecins, psychologues, infirmières, aides-soignantes,
techniciens, agents de service, personnels administratifs en milieu
psychiatrique, vous pouvez être fiers de votre métier. Car vous nouez une
relation particulière avec la personne malade. De tous les soignants, vous êtes
sans doute ceux qui connaissent le mieux leurs patients. Vous prodiguez des
soins au long cours à des personnes qui, pour guérir, doivent pouvoir s’ouvrir
à vous et aux autres. Votre travail consiste d’abord à établir une relation
personnelle entre vous et eux. C’est ce qui fait l’extrême exigence de votre
rôle. C’est ce qui en fait aussi, je crois, la noblesse.
Pour tout cela, je veux aujourd’hui, simplement, vous
rendre hommage. Je veux rendre hommage à vous, les personnels d’un secteur,
l’hôpital psychiatrique, qui fait peu parler de lui, qui est souvent incompris
et rarement reconnu. Je veux saluer votre engagement indéfectible au service de
la personne malade. Je veux saluer votre courage. Je veux saluer votre travail.
Notre société a besoin de vous. Notre société a besoin que
les personnes dont la santé mentale est défaillante soient soignées et, si
possible, guéries dans les meilleures conditions possibles.
Trop souvent, c’est vrai, on ne parle de vos établissements
qu’à l’occasion de faits divers mettant
en cause les patients qui vous sont confiés. A mes yeux, soyez-en certains, ces
faits divers ne remettent nullement en question votre dévouement, vos
compétences et les services que vous rendez à la société. Ces faits divers
doivent en revanche tous nous interroger sur les lacunes qu’ils peuvent révéler
dans le système d’organisation et de fonctionnement de la prise en charge.
Surtout lorsque ces drames ne peuvent être imputés à la fatalité.
Vous vous souvenez tous du meurtre commis il y a quelques
jours à Grenoble sur une personne de 26 ans par un malade qui avait fugué de
l’hôpital psychiatrique de Saint-Egrève. Permettez-moi, avant de revenir un
instant sur ce drame, d’adresser mes pensées à la famille de ce jeune homme.
J’ai été choqué par cette affaire. Voilà une personne -le
futur meurtrier- qui avait déjà commis plusieurs agressions très graves dans
les murs et hors les murs ! Voilà une personne éminemment dangereuse qui
bénéficiait pourtant de deux sorties d’essai par semaine ! Et j’entends
dire que rien n’indiquait que cette personne pouvait à nouveau passer à l’acte,
que rien n’avait été fait pour renforcer sa surveillance ? Et je n’ai pas
entendu beaucoup de mots pour la victime qui a eu le malheur de croiser le
chemin de l’assassin.
Entendons-nous bien. Pour vous, comme pour moi, la place
des malades n’est pas en prison, mais à l’hôpital. Et je trouve injuste la
façon dont on parle, ou dont on ne parle pas, des hôpitaux psychiatriques. Mon
propos n’est pas de dire que la seule solution est l’enfermement à vie. Mon
propos n’est pas de dire que seuls comptent les risques pour la société et
jamais le cas particulier du malade. Mon propos n’est pas de dire qu’il n’y a
que des délinquants ou des criminels et pas des malades. Un schizophrène est,
avant toute autre considération, une personne malade. Je mesure l’apport
extraordinaire de la psychiatrie à la médecine d’aujourd’hui et la singularité
de votre mission.
Mais il faut trouver un équilibre entre la protection de la
société et la réinsertion du patient. Mon devoir, notre devoir, c’est aussi de
protéger la société et nos compatriotes. L’espérance, parfois ténue, d’un retour
à la vie normale, ne peut pas primer en toutes circonstances sur la protection
de nos concitoyens. Les malades potentiellement dangereux doivent être soumis à
une surveillance particulière afin d’empêcher un éventuel passage à l’acte. Et
vous savez fort bien que des patients dont l’état s’est stabilisé pendant un
certain temps peuvent devenir soudainement dangereux.
Il faut plus de sécurité et de protection dans les hôpitaux
psychiatriques. Cette protection, nous la devons d’abord à vous, les personnels.
Car vous êtes en première ligne. Vous êtes, comme les familles, les plus
exposés aux situations de crise. La société doit d’abord vous protéger et vous
permettre de vous recentrer sur le cœur de votre mission, le soin.
Je souhaite que plusieurs mesures soient mises en œuvre à
cette fin.
Nous allons d’abord, chère Roselyne, réaliser un plan de
sécurisation des hôpitaux psychiatriques. Nous ferons en ce domaine un effort
de 30 millions d’euros. Ces investissements serviront à mieux contrôler les
entrées et les sorties des établissements et à prévenir les fugues. Quand un
patient hospitalisé d’office sort du périmètre autorisé par son médecin,
l’équipe soignante doit en être immédiatement informée. Certains patients
hospitalisés sans leur consentement seront équipés d’un dispositif de
géo-localisation qui, si cela se produit, déclenche automatiquement une alerte.
Ce système est déjà utilisé à l’hôpital, par exemple dans les unités qui
soignent des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Il devrait rassurer
les personnels et alléger leurs tâches.
Par ailleurs, au moins une unité fermée va être installée
dans chaque établissement qui le nécessite. Ces unités seront équipées de
portes et de systèmes de vidéosurveillance pour que les allées et venues y
soient contrôlées.
Enfin, nous allons aménager 200 chambres d’isolement. Ces
chambres à la sécurité renforcée sont destinées aux patients qui peuvent avoir
des accès de violence envers le personnel.
La création d’unités fermées et de chambres d’isolement
supplémentaires est une mesure dont je veux souligner l’importance. Ce n’est
pas à vous que je vais apprendre que certaines personnes malades sont plus
agressives que d’autres ; que certains patients ne sont pas faits pour
l’hospitalisation conventionnelle sans pour autant relever des unités pour
malades difficiles. Il manque, entre les deux, une prise en charge
intermédiaire. C’est précisément ce vide que viennent combler les unités
fermées et les chambres d’isolement.
Pour les malades les plus difficiles, nous allons, là
aussi, renforcer le dispositif de prise en charge. Quatre unités
supplémentaires pour malades difficiles de quarante lits chacune vont être
créées. C’est une excellente mesure, qui doit permettre aux personnels de
travailler dans des conditions plus appropriées à la spécificité de certains
malades. C’est un investissement de 40 millions d’euros pour 22 millions
d’euros de crédits de fonctionnements annuels.
Vous le voyez, l’Etat prend ses responsabilités et investit
70 millions d’euros -30 pour la sécurisation des établissements et 40 pour les
unités pour malades difficiles- pour améliorer la sécurité dans les hôpitaux
psychiatriques.
J’ai annoncé une réforme sanitaire des procédures de
l’hospitalisation d’office pour que le drame de Grenoble ne se reproduise pas.
J’ai demandé à Roselyne BACHELOT de préparer un projet de loi. Vous me direz
que le placement d’office ne concerne que 13% des hospitalisations. Mais ce
sont sans doute celles qui exigent le plus de précautions. Là encore, je pense
qu’un meilleur équilibre entre la sécurité et la réinsertion est nécessaire.
Il faut réformer l’hospitalisation d’office pour concilier
qualité des soins et sécurité des personnes.
Nous allons d’abord instaurer une obligation de soins en
milieu psychiatrique. 80% de vos patients sont pris en charge en ville. De même
qu’il existe l’hospitalisation sans consentement, il faut qu’il y ait des soins
ambulatoires sans consentement. C’est l’intérêt même du patient et de sa
famille. L’obligation de soins doit être effective même en cas d’absence ou de
défaut de la famille. On ne peut pas laisser seul un patient qui a un besoin
manifeste de soins et qui peut, parfois, refuser de s’y soumettre.
Les sorties des patients doivent, par ailleurs, être
davantage encadrées. La décision d’autoriser une personne hospitalisée d’office
à sortir de son établissement ne doit pas être prise à la légère. Comme vous le
savez, c’est une décision qui peut être lourde de conséquences. Je souhaite que
désormais le préfet décide de la sortie, que ce soit une sortie d’essai ou une
sortie définitive, sur la base d’un avis rendu par un collège de trois
soignants : le psychiatre qui suit le patient, le cadre infirmier qui
connaît la personne et ses habitudes et un psychiatre qui ne suit pas le
patient. Les psychiatres libéraux pourront en faire partie. L’exercice
collégial est la clé de cette réforme.
Le préfet reste libre de sa décision, naturellement. Mais
l’avis du collège de professionnels de santé sur la situation du patient lui
permettra d’être informé et éclairé. Je ne veux plus que les préfets décident
de façon aveugle. Ils doivent engager leur responsabilité en connaissance de
cause. Grâce à la collégialité de l’avis des soignants, la décision du préfet
sera plus sûre.
Enfin, le Gouvernement s’assurera que les informations
administratives sur les hospitalisations d’office soient partagées entre tous
les départements. Le secret médical sera, bien évidemment, respecté de la façon
la plus stricte.
Mesdames, Messieurs,
Au-delà de ces mesures destinées à renforcer la sécurité de
tous, celle des personnels, celle des patients, celle de la population en
général, ma vision de l’hôpital psychiatrique, c’est qu’il s’agit d’abord et
avant tout d’un hôpital.
J’ai, vous le savez, une grande ambition pour les hôpitaux
dans notre pays. J’ai donc une grande ambition pour les établissements
psychiatriques qui doivent être considérés comme une composante à part entière
du service public de l’hospitalisation. Je souhaite que vous soyez davantage
concernés par la réforme de l’hôpital et mieux impliqués dans sa mise en œuvre.
Cette réforme, elle est aussi faite pour vous et je demande à Roselyne Bachelot
de veiller à ce qu’il en soit bien ainsi.
Et si la question de l’organisation et des ressources de
l’hôpital psychiatrique se pose, alors je pense que nous devons la poser sans
tabou.
Grâce au plan de santé mentale 2005-2008 notamment, les
moyens de fonctionnement alloués au secteur public ont progressé d’un peu plus
d’un milliard d’euros -c’est un effort très important- entre 2004 et 2008. Près
de 3 000 postes de médecins et de soignants ont été créés. Le nombre de
lits d’hospitalisation est resté stable depuis 2004, alors même que la prise en
charge ambulatoire s’est développée, ce qui est heureux.
Par ailleurs, un plan d’investissement important, en plus
de celui que je viens de vous annoncer, est en cours. 342 opérations de
modernisation doivent être réalisées entre 2006 et 2010 pour un montant total
d’1,5 milliard d’euros.
S’il apparaît qu’il faut investir davantage, nous
investirons davantage. S’il faut accélérer certains projets, nous les
accélérerons. J’y suis prêt. Mais dans ce domaine, comme dans les autres, je le
dis très clairement, les moyens supplémentaires n’iront pas sans les réformes.
Comme l’hôpital général, il faut que l’hôpital
psychiatrique, ait un patron, et un seul, qui ait le pouvoir de dire oui, de
décider et d’agir. Il faut aussi que l’hôpital psychiatrique coopère davantage
avec les autres acteurs de l’offre de soins, pour mieux gérer les urgences et
pour rendre le parcours du patient plus fluide. Il est enfin important,
essentiel, d’accroître l’attractivité des métiers et des carrières au sein des
hôpitaux psychiatriques, tout en développant les passerelles avec les autres
établissements de santé.
Permettez-moi d’adresser un message particulier aux
directeurs d’hôpitaux. Ils sont au cœur de la réforme de l’hôpital que j’ai
voulue et que Roselyne BACHELOT a préparée. Aurais-je voulu une réforme qui
leur donne une place si centrale si je n’avais pas confiance en eux, si je
doutais de leur dévouement au service public ?
A tous, je dis ma confiance et mon estime. Je sais le travail
remarquable que les directeurs accomplissent chaque jour avec l’ensemble des
personnels hospitaliers. Mais être un patron, cela veut dire être responsable
et assumer ses responsabilités.
Vous le voyez, avec Roselyne Bachelot, il n’est pas
question que la psychiatrie soit oubliée ou négligée. L’Etat la soutient et
continuera à le faire. Notre pays a besoin d’une hospitalisation psychiatrique
qui soigne et guérit, une hospitalisation psychiatrique en progrès, où le
bien-être des malades et des personnels est en permanence pris en compte et
amélioré. Notre pays a besoin d’une hospitalisation psychiatrique qui protège,
qui allie responsabilité, compétence et technicité. Soigner et protéger :
vous me permettrez de ne pas opposer ces deux objectifs. Je suis convaincu
qu’on peut et qu’on doit mieux faire dans l’intérêt des patients comme dans celui
de la société.
Je vous remercie.
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Mise à jour le mercredi
21 juillet 2010 - * maurice.champion20@wanadoo.fr
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